archipelago
My creative process is like an archipelago.
I never begin with a fully-formed project. There’s no map, no flight plan. First, there’s an image. It appears, unannounced. It speaks to me, maybe even haunts me. Then another one comes along, drawn to the first—like an island within sight. Little by little, they form an archipelago. A fragile but persistent constellation. The connections aren’t always obvious, but they’re there: a mood, a silence, a shared pull.
This is how I work—through resonances, through subtle shifts. Only later does the whole begin to take shape, a title emerges, a sense begins to surface. I move slowly, guided by intuition, inner echoes, traces left by the world.
It’s a slow, organic process. Nothing is fixed. I often return to a series I once thought complete, shifting its lines, letting a new form emerge.
Creating, for me, means inhabiting this moving archipelago. It’s accepting not to understand everything right away. It’s letting the image speak before the words.
Habiter l’archipel — fragments d’un processus photographique
Il n’y a pas de plan. Pas de scénario préalable, pas de storyboard invisible qui précède mes images. Mon travail photographique ne suit ni méthode stricte ni logique de production. Il se construit comme un archipel : par fragments, par émergences successives. Une première image surgit. Elle ne répond à aucune commande intérieure, elle se présente d’elle-même, comme une apparition. Elle s’impose parfois, comme une obsession douce mais tenace. Puis vient une autre image, qui s’y relie — non pas par le sens, ni par le sujet, mais par un fil plus ténu, plus secret : une lumière, un souffle, une intensité commune.
Alors se forme lentement un archipel. Non pas une série au sens strict, mais une constellation d’îles visuelles, reliées entre elles par des courants invisibles. Je ne cherche pas à expliquer ces liens. Ils existent, et cela suffit. Parfois ce sont les silences qui résonnent entre les images ; parfois ce sont les failles, les marges, ou ce qui résiste à l’évidence.
Je travaille ainsi, dans une forme d’écoute flottante. Je laisse les images se répondre, se frôler, se contredire parfois. Ce n’est qu’après coup que l’ensemble prend forme. Le titre d’une série ne vient jamais au début : il naît quand les images ont commencé à s’organiser entre elles, à murmurer une cohérence. Le sens n’est pas donné, il affleure. Il s’échappe souvent dès qu’on croit le saisir.
Mon approche est lente, organique. Rien n’est figé. Une série n’est jamais vraiment finie. Il m’arrive de revenir, des mois ou des années plus tard, sur un ensemble que je pensais clos. De déplacer les images, d’en soustraire certaines, d’en intégrer d’autres. De tout recommencer. Chaque série contient, en puissance, une autre série possible — une version parallèle de ce qui aurait pu advenir.
Je ne cherche pas à illustrer un propos. Je ne documente pas. Je me tiens plutôt dans cet entre-deux incertain, où l’image devient le lieu d’un questionnement — sur le temps, sur l’absence, sur ce qui se dérobe. Ma photographie n’est pas là pour répondre, mais pour ouvrir. Elle invite à une forme d’attention, de présence au monde, à ses plis, ses fissures, ses respirations.
Créer, pour moi, c’est cela : habiter un archipel mouvant. Accepter que le chemin se trace en marchant. Se rendre disponible à l’imprévu. Et surtout, laisser l’image parler avant les mots.