Figures d’un Monde en Sursis
Exposition de Matthias Koch, en collaboration avec la philosophe Claude Molzino
30 janvier → 13 mars 2025
lundi et mardi de 12h à 18h
mercredi, jeudi et vendredi de 12h à 22h
La Ferme, 3B avenue de Bellande, 07200 AUBENAS
Une traversée des fragilités du monde. Des images où le réel vacille, où les formes tiennent encore — à peine. Des textes de Claude Molzino qui accompagnent les photographies comme une respiration, une pensée qui éclaire les zones d’ombre et d’attention.
Avec Figures d’un Monde en Sursis, le photographe Matthias Koch, en collaboration avec la philosophe Claude Molzino, propose une traversée sensible des fragilités du monde contemporain.
Cette exposition met en dialogue une écriture photographique épurée et une pensée qui interroge les zones d’inattention, les silences, ce qui disparaît mais ne cesse d’insister. Les images et les textes ne commentent pas ; ils se répondent. Ils ouvrent un espace où se mêlent inquiétude, lucidité et beauté — un espace où ce qui tient encore se révèle avec une intensité nouvelle.
Les photographies ne montrent pas la catastrophe, mais son contour : les paysages en tension, les corps pris dans l’attente, la persistance du vivant dans ce qu’il a de plus vulnérable.
La pensée de Claude Molzino, par fragments, éclaire ce monde suspendu et l’amplifie ; elle donne à voir autrement, depuis un lieu où la philosophie rejoint l’expérience vécue.
Démarche artistique
Figures d’un Monde en Sursis s’inscrit dans une démarche où l’image photographique et la pensée phénoménologique se rencontrent.
Pour Matthias Koch, photographier consiste à laisser advenir un réel, non à en imposer la forme. La photographie devient une épreuve du monde, un acte de présence.
L’apport de Claude Molzino permet de faire émerger une seconde couche de lecture : une réflexion sur notre époque, sur ce qui vacille, sur ce qui demeure malgré tout. Sa langue, précise et sensible, accompagne les images comme une respiration : elle ne les explique pas — elle les prolonge, elle ouvre leur horizon.
Ensemble, textes et images composent un récit discontinu, une sorte de cartographie poétique de notre temps.
Matthias Koch — Photographe
Installé en Ardèche, Matthias Koch développe un travail photographique où se croisent paysage, mémoire, phénoménologie et poésie du réel. Ses séries — Metamorphosis, Twelve Hours, Todtnauberg, Unheimlichkeit ou Figures d’un Monde en Sursis — interrogent les tensions de l’époque, la transformation des êtres et la fragilité des formes de vie.
Claude Molzino — Philosophe
Agrégée et docteur en philosophie, Claude Molzino vit à Paris. Elle notamment a publié aux éditions Manucius La vérité en Musique (2013), Journal du Japon (2016 ), Passer sans fin (2020).
Regardons le monde tel qu'il est, sans complaisance ni hostilité, et essayons de comprendre où nous en sommes.
C'est ce que propose cet essai construit en dialogues : entre l'oeil et l'esprit, car philosophie et photographies s'éclairent réciproquement pour élaborer une compréhension de ce monde dont nul ne peut ignorer l'inquiétante fragilité. Dialogue également entre hier et aujourd'hui, entre Heidegger et Günther Anders. Si ces images donnent une vision incarnée du présent, la conversation avec des penseurs contemporains ou anciens pour les interpréter veut honorer l'actualité toujours vivante de toute vraie philosophie.
La recension de Stéphane Leteuré du livre « Figures d’un Monde en Sursis » sur le site nonfiction.fr .
Figures d’un monde en sursis se donne pour mission de mettre en relation les photographies de Matthias Koch et l’analyse philosophique qu’en fournit Claude Molzino . Ce « temps du présent » perçu par l’œil du photographe se pense en réalité comme un ensemble de clichés sur le « temps de la fin » que pourrait être notre époque. À la nucléarisation du monde, et au risque qu’elle représente pour le genre humain, s’ajoute une surexploitation de la planète qui font peser sur le monde du vivant une menace sans précédent.
Après avoir posé une réflexion sur les spécificités de l’art photographique, sur l’intérêt du « noir et blanc » et sur le rapport de la photographie au temps et au réel, Claude Molzino recourt principalement aux thèses de Roland Barthes, de Martin Heidegger et de Günther Anders pour démontrer l’utilité de l’art photographique. Sous la plume de la philosophe, ce dernier apparaît judicieusement comme un révélateur pour l’homme de son sursis, autrement dit comme un moyen de l’alerter sur sa responsabilité dans sa propre disparition. Aux risques de la dévastation et de l’annihilation, par delà l’épisode historique d’Hiroshima présenté comme le prélude de cette nouvelle « ère de l’humanicide », jamais selon Claude Molzino « l’être [n’a autant été] sous la menace du non être ».
Dès lors, les photographies de Matthias Koch, sous-tendues par leur éclairage philosophique, réveillent les consciences, voire la conscience du caractère caduque de l’humanité désormais confrontée à l’enjeu de sa survie. Claude Molzino nous rappelle que cette « inquiétante étrangeté » soulignée par le cliché photographique et qui en leur temps, interpella Marcel Proust (qui y voyait la marque de l’absence) et Roland Barthes (qui y associait la mort) devient chez Matthias Koch une révélation : celle de notre vulnérabilité et de l’incertitude sur notre avenir proche.
Les instantanés produits par le photographe allemand soulignent le « désenchantement du monde » et la nécessité à en témoigner de manière à ce que l’espèce humaine sorte de la somnolence inhérente à son quotidien. Qu’ils déplorent, qu’ils ironisent ou bien qu’ils alarment, les clichés de Matthias Koch témoignent de la fin de l’illusion, de cette sortie de l’innocence et de la naïveté coupable. L’enjeu de cette vision de notre présent et, de surcroît, de notre avenir, n’est pas de tomber dans un pessimisme sombre et aporétique qui nous considérerait d’ores et déjà comme condamnés à subir notre propre apocalypse. Bien au contraire, interpeller le lecteur-spectateur sur la portée philosophique des photographies apparaît comme un moyen d’agir, comme une possibilité d’éviter le pire et d’inverser le cours des choses. Il n’y a d’ombre qu’engendrée par la lumière.
Après une réflexion philosophique d’une trentaine de pages, le livre présente 27 reproductions photographiques accompagnées chacune d’un commentaire affuté où Claude Molzino mobilise nombre d’auteurs et de références philosophiques et littéraires allant de la Bible à René Char, de Saint-Augustin à Svetlana Alexievitch, comme autant d’invitations à poursuivre la réflexion. Ce cheminement intellectuel conduit en dernière étape à un « seuil » figuré par le porche d’une église médiévale située au milieu de nulle part mais qui aide le lecteur à comprendre le sens de l’itinéraire suivi de page en page.
La démarche de Claude Molzino s’apparente enfin à un hommage à la philosophie des temps passés considérée comme un moyen de comprendre et d’agir sur notre présent. D’un parking de supermarché de la banlieue parisienne à la vue aérienne d’un quartier de Mexico, d’une skyline nocturne de Hong-Kong à la ruralité du Yucatan, les photographies de Matthias Koch se font parfois l’écho de l’histoire allemande mais couvrent une géographie qui démontre à quel point ce qui est observable à l’échelle locale se trouve désormais lié à un destin global.